La neuropathie diabétique et l’importance de l’auto-soin quotidien du pied diabétique

Les ulcères du pied sont, dans la plupart des cas, causés par une combinaison de facteurs de risque associée aux complications chroniques du diabète : l’hyperglycémie à long terme, ce qui peut provoquer une maladie micro vasculaire qui endommage les petits vaisseaux sanguins et provoque un dysfonctionnement des nerfs.

La neuropathie périphérique et la maladie vasculaire périphérique sont les principaux facteurs de risque prédisposant à l’ulcération du pied.
Une personne atteinte de neuropathie ne peut pas sentir la douleur ou l’inconfort qui devrait attirer l’attention sur le problème. Traumatismes répétitifs de chaussures mal adaptées et blessures accidentelles dans le derme sont les facteurs conduisant à l’ulcération du pied ».(Patients’ perspectives on foot complications in type 2 diabetes: a quality study, L Gate, K Vedhara, A Searle et al, British Journal of General
Practice, August 2008)

Le diabétique se fait mal sans avoir mal !

Auto-soin du pied diabétique sans expérience d’ulcération…
Depuis octobre 2011, je travaille au sein de l’équipe de diabetefribourg à 50 %, j’interviens à la consultation de podologie auprès des patients diabétiques de type 2 dans le canton de Fribourg.
Ma mission est d’enseigner, entre autres, l’auto-soin des pieds, ce qui permet au patient diabétique de type 2 d’effectuer les soins entre deux consultations de podologie (en moyenne chaque 2 mois) et d’être attentive à des changements qui nécessitent l’intervention d’un professionnel de la santé.
Tout au long de ces deux ans de réflexion et d’action j’ai pu constater que malgré l’enseignement concernant l’importance des auto-soins des pieds entre chaque consultation de podologie, certains patients adoptent certains comportements d’absence d’auto-soin qui pourrait accroître le risque d’ulcération.
Quel est la part de responsabilité que nous avons face à certains patients qui négligent l’auto-soin de leurs pieds entre chaque consultation ? Comment les y encourager ? Quel accompagnement leur proposer et comment ?
Voilà le sujet qui m’a permis de mener une réflexion et de conduire pendant plus d’un an, un projet auprès de patients diabétiques de type 2 sans expérience d’ulcération concernant la gestion de l’auto-soin entre chaque consultation de podologie au sein de l’équipe du diabètefribourg.
Mon objectif est de « prévenir les ulcérations en optimisant l’auto-soin des pieds du patient diabétique de type 2 à risque sans expérience d’ulcération entre chaque consultation de podologie. »

Les complications du pied sont aussi “ sournoises ”

Un travail individuel avec chaque patient pendant une période de
6 mois a permis de mettre en valeur les connaissances et compétences de chacun concernant l’auto-soin de leurs pieds. J’ai travaillé avec les patients des obstacles et des propositions d’amélioration pendant la consultation et élaboré des objectifs à chaque consultation (consultation de 6 à 8 semaines d’intervalle) selon une grille d’évaluation qui tient compte des critères suivants: hygiène, hydratation, inspection et le chaussage.
Si j’ai pu éviter que 2 % préviennent les complications du pied diabétique tels que les ulcères et les amputations, cela est une réussite. Je suis entièrement convaincue qu’au niveau socio-économique, le canton de
Fribourg est gagnant en s’engageant dans la prévention.

Résultats des entretiens individuels auprès de 20 patients diabétiques de type 2 (tous âges et sexes confondus et un degré de sensibilité < 4 /  8 mesuré au diapason) à risque sans expérience d’ulcération.

  • 15 % ne savent pas ce qu’est le diabète
  • 25 % ne connaissent pas les complications et donc ne s’occupent pas de leurs pieds entre 2 consultations de podologie
  • 25 % des patients ne parlent pas des amputations comme complications du pied diabétique
  • 100 % des patients ne font pas le rapport entre neuropathie (perte de sensibilité) = absence de douleur = danger quotidien de leurs pieds
  • 40 % des patients ont des difficultés à s’occuper des pieds à domicile et d’autres n’estiment pas le besoin (leurs médecins ne regardent jamais)
  • 65 % demandent des informations sur l’auto-soin quotidien et 20 % ont des difficultés à effectuer l’auto-soin entre 2 consultations (vivent seuls, manque de motivation, croyances et l’âge)
  • 95 % des médecins généralistes n’examinent pas les pieds des diabétiques lors des consultations.

“ Je n’ai rien senti, je n’ai pas eu mal ”

Comme le dit l’adage, mieux vaut prévenir que guérir. Un bon programme de soins quotidiens des pieds vous aidera à garder ceux-ci en bon état.

Que faut-il faire ?
LES PETITS CONSEILS QUI EVITENT DE GROS RISQUES
INSPECTION QUOTIDIENNE DES PIEDS
– Utiliser un miroir ou s’aider d’une tierce personne en cas de difficulté, de mobilité et / ou de déficience visuelle

HYGIENE

  • Elle doit être quotidienne et être effectuée avec un savon (type savon de Marseille), de préférence sous la douche,
  • Bien sécher en insistant entre les orteils pour éviter les mycoses,
  • Eviter les bains de pied prolongés (< 5 minutes) et contrôler température < 35° (a l’aide d’un thermomètre ou en trempant l’avant bras),
  • En cas de callosités utiliser une pierre ponce ou une râpe une fois par semaine (interdiction d’utiliser des coricides, des virucides et des rasoirs),
  • Ne pas traiter soi-même durillons, cors ou ampoules: pas de chirurgie de salle de bain,
  • Garder les ongles suffisamment longs, si besoin de couper plutôt droits et arrondir à l’aide d’une lime en carton (utiliser des ciseaux à bout rond),
  • Il est important de graisser vos pieds s’ils sont secs (et ils le sont le plus souvent) en évitant les espaces entre les orteils qui doivent rester secs.

CHAUSSETTES

  • Ne jamais marcher pieds nus
  • Vous devez toujours en porter (jamais pieds nus dans la chaussure),
  • Les choisir en fibre naturelle claire (coton où laine fine),
  • Les changer tous les jours, les laver à une température > 60° (lutte contre les mycoses),
  • Pensez à mettre les coutures vers l’extérieur.

CHAUSSURES

  • Être attentif(ve) au choix des chaussures qui doivent être souples (de préférence en cuir et sans couture intérieure blessante), ni trop larges, ni trop étroites (les acheter en fin de journée quand les pieds sont gonflés), adaptés à la morphologie de chacun,
  • Au début les porter environ 1 à 2 heures maximum et toujours vérifier s’il y a des points d’appuis, des rougeurs sur les pieds,
  • Avant le port, examen de l’intérieur de la chaussure avec la pulpe des doigts: contrôler l’absence de corps étrangers,
    décollement de semelles, usure, semelles orthopédiques déchirées, dessus, dessous, côtés,
  • La hauteur des talons : 2 cm, maximum 5 cm,
  • Avoir deux paires de chaussures à alterner 1 jour sur 2 et les entretenir régulièrement.

CHAUSSONS

  • Ils sont indispensables car vous ne devez jamais marcher pieds nus,
  • Les mules sont à éviter car elles provoquent une crispation des orteils (orteils en marteau) et des callosités aux talons.

SEMELLES

  • Ordonnées par le médecin
  • Si vous devez porter des semelles orthopédiques, celles-ci doivent être moulées sur votre pied et réalisées en matériel lavable, antidérapant,
  • Comme les chaussures, elles doivent être mises progressivement,
  • Elles doivent être changées une fois par an ou éventuellement adaptées aux changements du pied diabétique.

PIEDS FROIDS

  • – Prendre garde au risque de brûlures (bouillotes, feu, radiateurs) ou de gelures.

CONDUITE EN CAS DE LESION OU COLORATION SUSPECTE

  • Consulter toujours un professionnel de la santé, mais dans l’immédiat :
  • Nettoyer toute lésion à l’eau ou si vous avez un désinfectant (pas de produits colorés comme éosine, mercurochrome ni
    antibiotiques locaux), appliquer une compresse et un sparadrap (pas de mefix).

 

Maria Manuela Pinto Ventura,
Infirmière clinicienne en diabétologie à diabète Fribourg